Deuil au travail – partie 2 : employeurs et salariés, des conseils pour gérer au mieux la situation

Que vous soyez salariés ou employeurs, comment composer avec la perte d’un proche ou d’un collègue, et la reprise professionnelle ? Du côté des manageurs et de la direction, par quelles solutions concrètes accompagner au mieux les salariés en deuil ? 

Pour que le deuil trouve sa place en entreprise, il est question de « resocialiser le deuil », à l’échelle collective, déclarait en 1995 le psychiatre Michel Hanus, fondateur d’Empreintes, association spécialisée dans la santé professionnelle et l’accompagnement du deuil au travail. Resocialiser, qu’est-ce à dire ? Parler des choses pour ne pas alimenter le déni collectif souvent présent en France autour du sujet encore tabou que constitue  la mort. « C’est un gage de responsabilité des entreprises, des employeurs, que de permettre à chacun de vivre son deuil, même au travail, de briser ce tabou », étaye à ce sujet Olivier Dussopt, ministre du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion.

Reprise du travail, émotions, RH et psychologues du travail

La théorie, c’est bien. La pratique, c’est mieux. Voici donc quelques solutions pour vous épauler dans cette phase difficile :

  • Ne pas cacher toutes vos émotions si vous sentez qu’elles montent pendant que vous travaillez. En clair, gardez bien sûr une part de pudeur, de retenue si elle vous vient naturellement. Mais ne pas pour autant porter de masque toute la journée : vous avez besoin d’être un minimum vous-même pour respirer.
  • En fonction de la taille de votre entreprise, peut-être avez-vous la possibilité d’échanger seul(e) ou en équipe avec le service des ressources humaines ou avec un(e) psychologue du travail, en interne ou externe. A noter qu’en France, des progrès reste à faire en la matière sachant que « 80% des salariés estiment le soutien des ressources humaines inadapté, inutile ou inexistant »

Prévenir, sensibiliser

Vous n’êtes actuellement pas concerné(e) par un deuil au travail, mais souhaitez être sensibilisé(e) sur le sujet ? Très bon point ! Voici quelques outils : 

  • Pour vous aider dans ces moments délicats s’ils devaient survenir, Empreintes a mis au point son Guide du deuil au travail. Une véritable ressource pleine de conseils pour trouver la juste place, les « bons » mots, éviter les maladresses en phase de deuil d’un collaborateur 
  • En tant que salarié(e)s comme employeurs, vous pouvez suivre le programme « Présence entreprise » proposé par l’association Empreintes. Ce dernier comprend des modules de sensibilisation sur l’annonce du décès et la prévention des complications du deuil
  • En tant que salarié(e)s, vous pouvez également bénéficier du programme « Présence entreprise ». Pour les entreprises membres de l’association Empreintes, « une ligne d’écoute est dédiée aux professionnels confrontés à une situation de décès ou de deuil »

Communiquer, écouter, informer

Les employeurs ont un rôle de soutien à jouer auprès d’un salarié endeuillé, d’autant plus fort si le décès est survenu dans le cadre professionnel. Ainsi, en tant que directeur, manager ou chef d’équipe, vous avez la responsabilité :

  • De communiquer pour ne pas que le deuil reste tabou, pour « permettre au collaborateur d’exprimer ses besoins ». En cas de deuil professionnel, vous pouvez organiser des temps d’échange en équipe pour donner à chacun l’occasion de décrire son vécu de la situation. Un point d’autant plus important si votre équipe travaille une partie de la semaine à domicile, situation dans laquelle il est indispensable de maintenir le lien
  • D’écouter en faisant preuve, lors de l’annonce s’il s’agit d’un décès intime, « de disponibilité, d’empathie pour permettre à la personne d’expliquer les circonstances du décès ». Pensez à « aplanir les liens hiérarchiques, à accueillir l’émotion : écouter et donc se taire, ne pas détourner le regard, laisser le temps à la personne de se remettre, avant de repartir éventuellement sur autre chose. Contenir ses propres émotions et comportements, dire que l’on est touché si c’est le cas. Clore l’entretien avec douceur et en indiquant une disponibilité : « prenez soin de vous », « n’hésitez pas à demander de l’aide ». Et n’hésitez pas à proposer un entretien un an après le décès sachant que les phases aiguës peuvent s’exprimer à distance de la perte
  • De rester délicat en évitant certaines attitudes s’il s’agit d’un décès professionnel : « sous-estimer l’impact du décès d’un collaborateur sur certains collègues, installer un collègue à sa place, à son poste, sans délai, lui enjoindre d’être efficace ou faire pression quant au retour au travail ; surréagir ou faire comme si rien ne s’était passé. »
  • D’informer clairement le salarié sur ses droits sur les jours de congés légaux et ceux de la branche d’entreprise par exemple, plutôt que de nourrir le flou en lui disant  simplement « prenez tout votre temps ». Au quotidien, vous pouvez également « diffuser des repères sur le deuil et sur les enjeux du deuil en milieu professionnel »
  • De fédérer en proposant « une aide financière pour les obsèques et ouvrir une cagnotte pour les proches, l’envoi de fleurs ou de cahier de condoléances à la famille, de proposer un temps de mémoire collectif » et pourquoi pas de partage entre « l’entourage familiale et les collègues »
  • De formaliser les démarches en proposant des formations « au personnel des ressources humaines et aux managers à l’écoute active et/ou au deuil ». Ou encore en rédigeant un Protocole deuil, en créant un Comité deuil et un poste de Référent deuil. Vous pouvez également intégrer « l’accompagnement de deuil dans la responsabilité sociale, la prévention des risques psychosociaux, la qualité de vie au travail, l’équilibre vie privée et vie professionnelle, la politique de droit à la parentalité »

A ce jour, selon la même étude CREDOC – EMPREINTES – CSNAF, « Les Français face au deuil », la moitié des employeurs n’ont prévu aucun dispositif en cas de décès d’un collaborateur. Une donnée sensiblement plus élevée (58%) si un proche d’un collaborateur décédait. 

En chiffres

« Le manque de soutien dans l’entreprise a de lourdes conséquences : maladies, démissions, ruptures conventionnelles, pertes d’emploi », précise l’association Empreintes. Ainsi, en 2021 :

  • 69% des salariés endeuillés se sont absentés au travail, contre 43% en 2019
  • 34 jours, c’est le nombre moyens de jours d’arrêts de travail liés à un deuil
  • 39% des salariés en deuil éprouvent des difficultés de maintien dans l’emploi
  • 11% des salariés ont quitté leur emploi après la perte d’un proche

Article écrit par Laura Bourgault

1Chambre Syndicale Nationale de l’Art Funéraire

 2Enquête menée en ligne en avril 2021 auprès de 3 201 individus dont 2 811 ont vécu un deuil

Crédit photo/Jacob Lund shutterstock.com

Sources

  • Empreintes. Deuil au travail : comment l’accompagner ? Guide pour permettre aux entreprises d’accompagner, à chaque étape, leurs salariés en deuil Consulté en juillet 2023.