L’hôpital en crise : un phénomène chronique et estivale 

La chaleur n’est pas la seule coupable impliquée dans la surmortalité projetée dans les hôpitaux de France sur cet été. La tension hospitalière et ses conséquences entrent aussi en ligne de compte : nombre de lits insuffisants, manque de personnel, souffrance des soignants entraînent la fermeture de nombreux services ou établissements de santé. Faisons le point.

En 2020 et 2021, la crise du Covid-19 avait provoqué une nette tension dans les services hospitaliers, avec un nombre de lits moindres et un personnel exclusivement consacré à la gestion des patients Covid.  Au fil des confinements, beaucoup de soignants médicaux comme paramédicaux se sont trouvés en situation d’épuisement et de détresse. Une fuite des personnels de santé a même été rapportée à partir de l’automne 2021. Ces départs massifs pour cause de burn-out généralisé avaient forcé de nombreux services d’urgence à fermer. 

Aujourd’hui, ces différentes vagues liées au Covid sont passées. Mais l’hôpital reste plus que jamais sous tension : en effet, les symptômes de la crise sanitaire n’ont fait qu’exacerber des dysfonctionnements déjà existants. Quid de la situation pour cet été 2023 ? « Des services ferment ou sont en rupture de fonctionnement dans tous les départements. On essaie de cacher la réalité mais il y en a partout », déclarait le Dr Marc Noizet, président du syndicat Samu-Urgences de France, le 26 juin 2023 dans les colonnes de Ouest France. « Il y aura un impact sur la morbidité, la mortalité et les retards de soin. Et ce ne sera pas dû qu’à la chaleur. ». Quelles en sont alors les deux causes principales ?  

  • La diminution du nombre de lits, phénomène rapporté depuis des années maintenant : 80 000 lits ont été fermés entre 2000 et 2021. ET  4 316 Sur la seule année 2021.  
  • La souffrance du personnel. Selon une étude publiée le 28 mars 2023 menée auprès de 2 400 professionnels de santé des hôpitaux, 40% des soignants rapportent un syndrome aigu d’épuisement professionnel, 12 % ont fait état de stress au travail et 15 % d’idées suicidaires. Les facteurs de risque susceptibles d’être améliorés sont l’empiètement du travail sur la vie privée et le manque perçu de soutien de la part de l’institution. Les autres causes reposent sur les suites de  la crise sanitaire, un épuisement lié au travail de nuit, sur le fait d’être rappelés pendant les vacances pour venir combler les effectifs manquants, ou encore sur le stress accru lié à la charge de travail auprès des patients quand la pression ne permet pas de prendre le temps du soin. Mais aussi à la faible reconnaissance salariale de la contrainte (travail de nuit des infirmiers, des aides-soignants…). 
  • Des professionnels manquent à l’appel. Le manque de médecins traitants pousse de nombreux Français à se rendre directement aux urgences : en 13 ans, la France a perdu 16,9% de médecins généralistes. Les effets de la loi Rist promulguée le 19 mai 2023 se font aussi sentir. Cette dernière est venue plafonner le revenu des intérimaires à 1 390 euros brut par garde de 24 heures. Auparavant, aucun seuil n’était imposé pour rémunérer les professionnels vacataires prenant des gardes dans différents établissements de santé en fonction des besoins. L’impact de cette rémunération revue à la baisse ? La fuite des soignants intérimaires du fait de cette baisse de rémunération. Des soignants pourtant indispensables pour assurer la continuité des soins. A noter que l’effectif des besoins intérimaires a doublé entre 2000 et 2021 dans les hôpitaux de France. Aujourd’hui, selon le Syndicat national des médecins remplaçants des hôpitaux (SNMRH), il existe environ 50 sites et/ou services hospitaliers au sein desquels la tension est accrue faute de personnels suffisants. Les hôpitaux de proximité, les petites et moyennes maternités mais aussi les plus grosses structures sont concernées. Et les professionnels les plus impactées sont les gynécologues-obstétriciens, les anesthésistes-réanimateurs, les pédiatres, les radiologues et les urgentistes. 

Les pharmaciens à l’œuvre ?

Mais voyons le verre à moitié plein en prenant l’exemple d’une expérimentation menée pour décharger les services d’urgence et composer avec le manque des médecins généralistes. Objectif : assurer une prise en charge de qualité, et la protection la plus optimale de la santé des Français. Un projet pilote initié en septembre 2021 a été mis en place pour absorber la demande de soins notamment dans les zones concernées par la désertification médicale. Menée par l’Agence régionale de santé (ARS) Bretagne, cette dernière consiste à étendre les compétences des pharmaciens pour qu’ils puissent dirige les patients atteints de symptômes légers (les plaies superficielles, les piqûres de tiques, les infections urinaires, les brûlures du premier degré, les douleurs du pharynx et les conjonctivites). En fonction du degré d’atteinte, les pharmaciens conseillent un médicament au patient (délivré sans ordonnance donc), adressent le patient vers un médecin ou aux urgences si nécessaire.

Ce projet baptisé OSys (orientation dans le système de soins) est mené en partenariat avec l’association de pharmaciens Pharma système qualité et les unions régionales de professionnels de santé (URPS) des pharmaciens et des médecins libéraux de Bretagne. Les 37 pharmacies bretonnes participant à l’expérimentation ont rendu leur premier bilan en janvier 2023. 

Résultat, trois-quarts des patients souhaitant initialement se rendre aux urgences ont finalement bénéficié d’un conseil ou un traitement de la part du pharmacien (38%) ou par un médecin (37%). Et 60% des patients qui comptaient aller voir un médecin ont pu se contenter d’un conseil en pharmacie. Au total, 420 consultations médicales et 68 admissions aux urgences ont pu être évitées.

Comme l’ont annoncé  l’ARS de Bretagne et le ministère de la Santé et de la Prévention, l’expérimentation va s’étendre à 75 autres pharmacies de Bretagne et dans d’autres régions de France d’ici à janvier 2025 : trois régions précisément parmi les cinq candidates suivantes (le Centre-Val-de-Loire, l’Occitanie, les Hauts-de-France, la Corse, la Bourgogne-Franche-Comté et la Guyane).

Article écrit par Laura Bourgault

Crédit photo: Kovop/shutterstock.com

Sources