Alzheimer, maladies neurodégénératives : qu’est-ce que le deuil blanc ? 

Certaines maladies neurodégénératives altérant les souvenirs et la personnalité du patient peuvent amener ses proches à vivre un “deuil blanc”. Une phase caractérisée par la perte du proche, parce qu’il change au point de devenir une autre personne. Cette perte, malgré la vie qui a encore son mot à dire, peut s’avérer compliquée à vivre.

Par quoi sommes-nous définis, si ce n’est par notre personnalité, notre caractère et notre mémoire, notre esprit, notre adaptation au changement aussi. Ou encore notre rapport aux émotions, à l’humour, à écouter, à considérer les gens qui nous aiment ? Qui sommes-nous si, un jour, la maladie, du fait de symptômes neurologiques, neurocognitifs, neurodégénératifs ou neuropsychiatriques, devait s’emparer de tous ces piliers qui font de nous une personne singulière ? Et qui nous permettent d’interagir avec notre famille, nos amis. Nous devenons en quelque sorte, une autre personne. 

Dans les stades avancés de maladies neurodégénératives et/ou de troubles neurocognitifs* de type Alzheimer par exemple, les troubles cognitifs aigus et les pertes irréversibles de la mémoire, avec en toile de fond la dégradation de la neurogénèse**, vont précisément gommer les aspérités de la personnalité. Une altération irréversible sachant que cette maladie est “progressive, dégénérative et mortelle”, exprime la Société Canada. 

A ce sujet, “le deuil blanc est le type de deuil que l’on ressent lorsqu’une personne atteinte d’un trouble cognitif n’a plus la même présence mentale ou affective que par le passé, bien qu’elle soit toujours présente sur le plan physique.” Les proches/aidants du patient traversent un deuil qui revient à échanger, à accompagner un proche qui n’est déjà plus tout à fait là tant le patient a changé.

Le deuil blanc peut aussi être éprouvé par le personnel soignant impliqué depuis des années, parfois jusqu’à la fin de vie, dans le soin d’un patient dont la personnalité est modifiée par la maladie. 

Pleurer la personne avant qu’elle ne décède

Et comment le deuil blanc s’exprime-t-il ? Il correspond à “l’ensemble des sentiments fréquemment éprouvés en pleurant la personne avec l’Alzheimer bien avant qu’elle ne décède”, décrit la Société Alzheimer (Canada).  “Il se peut que vous pleuriez la fin de rêves et de plans d’avenir, la disparition d’un confident et partenaire, le départ d’une personne avec qui partager des tâches et responsabilités, et le déclin progressif des capacités de la personne ayant la maladie.” 

Le deuil blanc est d’autant plus compliqué à traverser. Pour quelles raisons ?  

  • – Parce que ce deuil “diffère du deuil qui suit le décès, sa résolution complète est impossible tandis que la personne est encore en vie”, reprend la Société Alzheimer
  • – Pendant cette première phase de séparation, la personne continue de prendre soin du proche malade, souvent pendant plusieurs années. Une présence envers l’autre qui peut être ressentie comme ambivalente avec le sentiment de disparition du proche
  • – La personne en deuil blanc se sent parfois très seule dans ce qu’elle ressent, contrairement au deuil lié au décès pendant lequel la personne est entourée, et “bénéficie généralement du soutien de ses parents et amis” grâce auquelle elle “verra ses sentiments s’estomper tout au long du processus naturel de deuil”
  • – Comme toutes les douleurs mal reconnues ou invisibles, le réflexe est souvent de ne pas regarder en face ce que vous ressentez et de rester isolé. Or “si vous ne vous laissez pas aller à ressentir votre deuil blanc, ou si vous ne reprenez pas certaines de vos activités habituelles, vous aurez encore plus de difficultés à le faire plus tard au cours de l’évolution de la maladie.”

Se faire accompagner ? 

Voici donc deux conseils prodigués par la Société Alzheimer :

  • – “Le fait de reconnaître vos sentiments et de comprendre le concept du deuil blanc peut contribuer à vous soulager”
  • – “Avec du soutien et des conseils, vous pourrez composer avec ces sentiments, commencer à pleurer ce qui a été perdu et préserver la communication avec votre proche, tout en augmentant votre force intérieure et votre résilience”

Ce deuil blanc rend-il le “vrai deuil” moins douloureux une fois que la personne est décédée ? Qu’en penser quand, véritablement, rien ne peut remplacer la présence physique de la personne ? Et que fatalement il y  aura un vide après le décès, même si le proche n’était plus vraiment lui-même tellement la maladie était devenue envahissante ? 

Ce besoin de soutien, ces questions qui peuvent vous traverser pendant le deuil blanc peuvent aussi nécessiter de consulter un psychologue. Ce suivi aide à mettre des mots sur le vécu, les sensations, interroger des points qui s’entremêlent et tournent en boucle. Point capital quand on sait que si “votre chagrin n’est ni reconnu ni validé, il risque de s’aggraver avec le temps et de s’ajouter à votre solitude”. En réponse, l’écoute est entière et neutre en consultation, de la part d’un professionnel qui saura vous aider à y voir plus clair et à trouver de la ressource en vous. Car toute épreuve, aussi difficile à traverser soit-elle, est aussi un chemin au bout duquel vous attend un présent plus serein.

*la maladie de Creutzfeldt-Jakob, les dégénérescences fronto-temporales, la maladie à corps de Lewy, les troubles neurocognitifs mixtes, les maladies cérébrovasculaires 

**la neurogénèse correspond à la formation de nouveaux neurones impliqués dans de nombreux processus tels que la mémorisation, le contrôle des émotions, la flexibilité cognitive 

Article écrit par Laura Bourgault

Crédit photo: gens-regardent-album-photo/freepik.com

Sources