Quelles alternatives possibles aux funérailles traditionnelles ?

En France, seules l’inhumation et la crémation sont pratiquées. Mais les services funéraires pourront difficilement passer entre les mailles de l’innovation. Crémation par l’eau, humusation, réduction du corps par le froid: quelles alternatives pourront possiblement voir le jour ? Et qu’en pensent les acteurs principaux des services funéraires ?

L’écologie s’immisce dans le secteur du funéraire

Le 31 janvier, la député Modem et vice-présidente de l’Assemblée nationale Élodie Jacquier-Laforge a déposé une proposition de loi visant l’expérimentation des obsèques écologiques. 

Plusieurs procédés ont en effet pour objectif de réduire l’empreinte carbone liée aux funérailles. Certains ont déjà passé le stade du banc d’essai. Des exemples ? “Les capitons en fibres naturelles, les urnes biodégradables, les cercueils en bois durable ou en carton ont fait leur apparition il y a déjà quelques années déjà”, raconte Manon Moncoq, anthropologue spécialiste du funéraire et de l’environnement. Tout comme “les cimetières paysages, les monuments végétalisés et les corbillards électriques.”

Progressivement, ces innovations encore très à la marge trouvent leurs adeptes notamment auprès des jeunes générations. Des options qui ne sont pas encore proposées en routine au sein des services funéraires, mais leur mise au point est déjà bien avancée. Et d’autres techniques sont en plein développement au rayon vert. De quoi parle-t-on ?

  • La réduction du corps en particules sous l’effet du froid sous l’action de l’azote liquide, alors que le corps du défunt est déposé sur une table vibrante. Une technique appelée promession brevetée en 2001 par une suédoise, Susanne Wiigh-Masäk. Une fois le corps réduit, les particules peuvent être fertiles : mises sous terre, elles pourraient être le lieu de plantation d’un arbre mémoriel. “Même si elle brevetée, cette pratique n’est légalisée nulle part”, souligne Manon Moncoq
  • Le compostage humain ou humusation, technique basée donc sur la transformation du corps humain en compost via un processus d’humification, qu’il soit réalisé hors sol, sur sol ou en sous-sol, en milieu artificiel ou en milieu naturel. L’humusation est autorisée dans certains États américains et à l’étude en Belgique depuis 2014. Le NOR process, autre dispositif, a été légalisé en 2020 dans cinqs États des États-Unis, dont le premier a été celui de Washington
  • La crémation par l’eau, dite aquamation, consiste à placer le corps du défunt dans une solution alcaline qui va venir dissoudre la partie organique du corps. “A l’issue de ce processus, on peut récupérer le calcius et le réduire en poudre” comme cela est effectué dans le cadre d’une crémation. Cette méthode pensée par le chimiste écossais Sandy Sullivan, a été brevetée aux Etats-Unis. Sa pratique y est légalisée sous le nom commercial Resomation© dans une vingtaine d’États américains et dans la majorité des provinces canadiennes. 

Au-delà de la démarche écologique, “cette démarche s’inscrit dans un mouvement de fond plus large, notamment en Occident”, prolonge Manon Moncoq. “De nombreux professionnels du funéraire ont réussi à breveter voire à légaliser des modes de sépulture alternatifs pour aller vers des cérémonies plus respectueuses de l’environnement. Une émergence qui serait due à trois contextes spécifiques : historique avec l’évolution des rites funéraires, économique avec l’évolution de la profession et du marché et idéologique avec un certain impératif environnementaliste qui rejette les détritus et valorise le recyclage ”. L’enjeu est donc de “valoriser le défunt. Et à mon sens, cette idée de renaissance notamment dans les végétaux vient donner un sens à la mort ”, complète Manon Moncoq.

Qu’en pensent les professionnels du funéraire ?

Relayons les avis des professionnels présents au Salon du Funéraire 2023 qui se sont exprimés sur le sujet.

Pour Olivier Vérité, secrétaire général de la Fédération nationale du Funéraire (FNF), il existe déjà des démarches prouvant l’engagement écologique dans le funéraire. “Sur les stands, beaucoup mettent en avant l’origine française de leur matériau. Il y a 10 ans, au sein de la FNF, nous n’avons pas voulu créer de marketing autour de l’environnement, des circuits biodégradables sans réelle mesure de l’impact. Nous ne voulions pas prendre d’engagement sur lesquels nous n’étions pas certains, nous ne voulions pas mentir aux familles. Nous avons préféré patienter pour laisser le temps aux fabricants de devenir vraiment pointus sur le sujet en misant sur la recherche et développement. A cette époque en revanche, nous proposions déjà de compenser l’impact écologique de nos produits en plantant un arbre par cercueil ou en recyclant les peacemakers. Aujourd’hui, nous avançons, sommes en train de changer l’intégralité de nos gammes.” 

L’impact sur l’environnement fait réellement partie de l’ADN de toutes les coopératives funéraires”, atteste Séverine Masurel, dirigeante de la Coopérative Funéraire de Lille. “C’est pourquoi nous prenons le temps auprès des familles qui ont un intérêt sur la pollution des funérailles, de leur expliquer l’impact de leur démarche. Nous proposons des cercueils fabriqués en France issus de bois récoltés en forêts éco-gérées en proposant du capiton 100% naturel. Nous essayons de leur proposer des urnes fabriquées en France, sans oublier la problématique du budget. Nous avons un important devoir d’information sur l’existence de la seule toilette et le caractère non obligatoire du soin, de la possibilité de la pleine terre sans nécessité d’un caveau, de l’autorisation de la dispersion des cendres en pleine nature. Les familles sont souvent étonnées de ces points. Nous ouvrons le champ des possibles au cours des ateliers, des Cafés Mortels, pour lever le tabou sur l’évolution des rites funéraires”

Selon Philippe Gentil, président Alliance Funéraire, “l’environnement est l’apanage de toutes les entreprises du secteur depuis une vingtaine d’années, avec par exemple les urnes biodégradables solubles dans l’eau. Nous testons actuellement les voitures électriques en tentant de résoudre le sujet de l’autonomie, sans oublier de prendre en compte l’empreinte écologique de l’électrique. Mais nous ne souhaitons pas nous précipiter, nous voulons rester lucides au lieu d’agir pour répondre à la demande du 100% vert”.  Concernant l’humusation, “je pense qu’il s’agit de jardinage même si cette technique reste louable. D’un point de vue éthique, il me semble important d’expliquer clairement le processus aux gens. En matière de respect du corps, le retourner, le trifouiller me semble être un acte particulier. D’un point de vue juridique, s’il devait être légalisé, cet acte doit être bien encadré et réalisé dans un cimetière. L’aquamation revient à dissoudre le corps. Elle est aussi éthiquement complexe et doit être encadrée. D’un point de vue hygiénique, elle me semble plus respectueuse de l’environnement et moins consommatrice d’énergie qu’un four de crémation”. Il reste tout de même “un sujet économique à penser pour nos filières, si l’on était amené un jour à ne plus vendre de cercueils”.

“ Le fait religieux a beaucoup façonné les choses. Aujourd’hui, nous assistons à une quasi disparition de ce dernier. L’écologie apparaît comme une bonne solution consensuelle pour combler ce vide et mettre une nouvelle symbolique sur les funérailles”, ajoute Sylvestre Olgiati, président Funépro. “En tant que fabricant, la réalité peut être autrement plus frustrante car les évolutions sont lentes. Nous avons beau réfléchir dans chacune de nos parties : la plaque, le cercueil, le monument, la composition florale, nous avons un filtre énorme pour arriver jusqu’aux familles qui vont nous choisir : ce sont vous les pompes funèbres, les marbriers. Nous avons des fois l’impression de faire des efforts qui ne sont pas compris et sur lesquels nous ne savons pas toujours bien communiquer. Mais nous avons bien pris conscience que nous vivons dans un monde contraint, et qu’il nous faut réinventer le rite, tout en faisant des économies, en travaillant sur les déchets, le recyclage, en adoptant une politique RSE. Les évolutions récentes d’achat des bois pour la filière des cercueils ont été en ce sens génératrices de créativité pour aller chercher des circuits courts. Tout en gardant à l’esprit à quel point notre métier est avant tout d’accompagner le décès. Les funérailles jouent un rôle important dans les étapes du deuil, il ne faut pas l’oublier.”

Pour Gautier Caton, dirigeant Pompes Funèbres Caton, “jusqu’à preuve du contraire, un cercueil est un contenant dans lequel on place un corps pour le transporter, donc cela doit perdurer. Pour introduire un corps dans un appareil de crémation, il faut aussi un contenant. Idem pour exposer un corps, un cercueil dans une église, dans un lieu de célébration. Il est donc évident que les cercueils vont perdurer. Pour moi le vrai problème, c’est qu’aujourd’hui nous ne connaissons pas l’impact réel de l’inhumation, de la crémation (une étude a été demandée pour évaluer ce point)  alors que nous essayons de défendre de nouvelles pratiques. De mon point de vue, il ne doit pas y avoir de combats idéologiques entre nos entreprises, surtout que nous ne sommes pas dans une logique de placement de services. Le point le plus important est de savoir s’adapter pour pouvoir répondre aux volontés des familles”. Sans oublier de toujours considérer “l’impact des funérailles sur le processus du deuil”. 

Article écrit par Laura Bourgault

Crédit photo sarayut_sy/shutterstock.com

Sources

  • Salon du funéraire 2023. Conférence organisée par la Fédération nationale du Funéraire. Évolution du secteur funéraire : quelles seraient les alternatives aux funérailles traditionnelles ? Intervenants : Manon MONCOQ (Anthropologue du funéraire et de l’environnement), Olivier VERITE (Secrétaire général, FNF), Séverine MASUREL (Dirigeante, Coopérative Funéraire de Lille), Gautier CATON (Dirigeant, Pompes Funèbres Caton), Philippe GENTIL (Président, Alliance Funéraire) et Sylvestre OLGIATI (Président, Funépro).